Annick Billon
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Dans un Sénat composé à 65% d'hommes, les élections sénatoriales peinent à placer les femmes en première ligne malgré les règles de parité, au regret de certaines candidates contraintes de "se battre" pour leur "légitimité".

"Qu'une femme soit tête de liste, ça ne coule pas de source", regrette la sénatrice sortante Laure Darcos (Les Républicains). 

Candidate dans l'Essonne, l'élue a été déçue de se voir proposer la deuxième place sur la liste de son homologue Jean-Raymond Hugonet (divers droite), comme en 2017 lors de sa première élection à la chambre haute.

"Je n'ai rien contre Jean-Raymond (Hugonet) qui a toute légitimité. Mais je suis présidente de la Fédération LR locale, je n'ai pas démérité. Cela m'a beaucoup affectée moralement car personne ne se pose la question de savoir si cela peut être vexatoire pour nous. Il faut se battre toute notre vie pour notre légitimité", dit-elle à l'AFP.

"Sur quelles bases aurait-on inversé les rôles ?" lui répond M. Hugonet, qui siège au groupe LR au Sénat mais n'est pas encarté. "Si j'avais été un mauvais sénateur, d'accord, mais c'est loin d'être le cas".

Résultat des courses: les deux candidats font cavalier seul avec l'investiture du parti... Mais avec un sérieux risque de voir l'un d'eux rester à quai le 24 septembre.

Une tête de liste sur quatre

Cette situation illustre une tendance bien ancrée aux élections sénatoriales. Si les femmes n'ont jamais été aussi nombreuses à se porter candidates (46,67%), seules 26% d'entre elles figurent en tête de leur liste dans les départements où les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel (80% des sièges renouvelables en 2023). Le chiffre a même diminué par rapport au dernier scrutin, avec 27% de femmes têtes de liste en 2020. 

Quant aux départements où les sénateurs sont élus au scrutin majoritaire (20% des sièges), les femmes y sont suppléantes deux fois sur trois.

Les règles de parité, qui imposent l'alternance homme-femme sur les listes (scrutin proportionnel) et un duo paritaire titulaire-suppléant (scrutin majoritaire), ont donc leurs failles.

Et parfois même leurs dérives. Dans l'Oise, Les Républicains comptent trois sénateurs sortants, tous des hommes, et chacun mène sa propre liste avec de très faibles chances qu'une des femmes inscrites en deuxième position soit élue.

"Ce sont des logiques politiques, pas du tout de misogynie", réfute le président des sénateurs LR Bruno Retailleau. "Ils expriment à eux trois une palette élargie de sensibilités".

La particularité de ce scrutin indirect où seuls des grands électeurs sont appelés au vote, la plupart issus des conseils municipaux, complique les ambitions du Sénat sur la parité.

"Comme cette élection se fait plus sur la personne que sur l'étiquette, ce détournement de la parité est très facilement pratiqué et totalement incontrôlable", constate Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'université Paris II.

La gauche n'est pas épargnée par quelques cas épineux, comme celui de Laurence Rossignol, non-investie comme tête de liste par le Parti socialiste dans l'Oise au profit d'Alexandre Ouizille, et finalement candidate dans le Val-de-Marne comme deuxième de liste.

"Ça dérange"

En Guadeloupe, la sortante Victoire Jasmin s'oppose aussi à Victorin Lurel, le candidat soutenu par le PS qu'elle avait accompagné comme numéro deux en 2017.

"Je me suis vite rendu compte que ma candidature comme tête de liste ne serait pas retenue, qu'il fallait encore que j'accepte une deuxième position. Dès qu'une femme ose y aller, ça dérange. J'ai osé faire ma liste et je ne regrette pas, mais il a fallu du courage", assure-t-elle à l'AFP.

Dans un Sénat fidèle à ses traditions et historiquement très masculin, la fameuse "prime au sortant" est souvent avancée pour expliquer ces tendances encore tenaces à reconduire l'homme comme numéro un. 

"Peut-être qu'il serait intelligent que la prime au sortant veuille dire que le sortant pousse la liste, au lieu de la tirer ?", propose Eliane Assassi, présidente du groupe communiste, la seule femme à ce poste. 

Présidente de la délégation aux droits des femmes au Sénat, Annick Billon regrette que "les femmes soient sous-représentées dans les comités d'investiture". "On se rend compte que la constitution des listes constitue souvent un obstacle", relève la sénatrice de la Vendée.

par Antoine MAIGNAN
AFP

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